Tout est ficelé
et bien ficelé
Le régime de 78
Bien qu’il y ait eu une occasion historique de vaincre le régime (car il subissait de nombreuses pressions), ce dernier a constamment gardé le contrôle de l’État. L’Espagne était entrée dans un processus de démocratisation qui avait pris du retard depuis 1945 pour passer d’un système autoritaire à un État de droit formel homologué en Europe. Pour cela, elle a bénéficié du soutien des États-Unis et de la Communauté économique européenne, mais le nouveau régime avait également besoin des partis de gauche pour consolider l’alliance entre les élites. Avec la nouvelle démocratie formelle est arrivée l’homologation de l’État espagnol par l’Europe, en dépit du fait que les piliers du régime restaient inchangés. La loi d’amnistie a garanti l’impunité aux responsables des crimes du franquisme, et la nouvelle Constitution a inscrit dans une loi la sacrosainte unité dogmatique de l’Espagne. Du jour au lendemain, les médias, les politiciens, les oligarchies économiques, l’armée et les structures judiciaires sont passés de franquistes à démocrates: au lieu du Tribunal de l’Ordre Public, l’Audience nationale; au lieu de Franco, le roi Juan Carlos Ier; au lieu d’El Correo Español de la Phalange, El Correo Español démocrate. Les forces armées sont demeurées inchangées. De nombreux dirigeants du régime franquiste sont devenus les leaders de cette «nouvelle Espagne», comme Fraga et Martín Villa. Francisco Franco l’avait déjà annoncé en 1969: «Tout est ficelé est bien ficelé».
On récolte ce que l’on sème. La pression en faveur de la rupture ne s’est pas exercée seulement au Pays Basque, mais nulle part ailleurs elle n’a atteint la force qu’elle a eue ici, surtout après les premières années. Étouffer la rébellion est donc devenu la principale tâche de la réforme. En quelque sorte, la transition, au lieu d’aller contre le franquisme, a attaqué la rébellion basque. D’ailleurs, elle a transformé le mouvement de libération nationale basque en l’ennemi numéro un pour la cohésion interne.